Le vraquier MV Wakashio, retenant environ 3000 tonnes de pétrole s’est échoué le 25 juillet sur le récif de Pointe d’Esny. Le navire a déjà déversé près de 1000 tonnes dans l’eau et le gouvernement mauricien est en état d’urgence environnementale. Les différentes institutions (Ministères, ONG, groupes écologiques, activistes) se préparent au pire. Mais quelles sont exactement les conséquences et les dangers d’une telle catastrophe ?
L’impact d’une marée noire sur l’environnement
Comme première conséquence, on peut évoquer le risque d’un débalancement écologique. L’écosystème marin se constitue de relations complexes entre organismes et environnement. On parle de chaînes alimentaires interdépendantes et les dégâts causés par les marées noires bousculent justement ce fragile équilibre. Le poids de l’impact varie selon l’habitat fréquenté par les animaux (sur les côtes, en pleine mer). À titre d’exemple, les cétacés et certains poissons seront en mesure de se protéger partiellement des effets toxiques du pétrole au vu de leur progression en pleine mer et de leur capacité à plonger en profondeur. Les autres oiseaux et mammifères vivant près des côtes seront quant à eux plus vulnérables à l’empoisonnement.
Les oiseaux sont souvent touchés directement par l’eau visqueuse. Durant l’accident de Deepwater Horizon par exemple, plus de 6000 oiseaux sont décédés. Le brut leur colle aux plumes et entraîne un risque d’hypothermie. L’huile lourde neutralise toute capacité de vol et multiplient les cas de noyade. Les animaux parvenant à survivre ont souvent de troubles du système nerveux, du foie ou pulmonaire. Il ne faudra pas oublier non plus les récifs coralliens. Ceux-ci abritent des écosystèmes riches et courent le risque d’une contamination de leurs habitants.
Des effets à long terme
Les effets de résidus d’hydrocarbure perdurent aussi pendant de nombreuses années. Douze ans après la marée noire de l’Exxon Valdez au large de l’Alaska, on notait toujours la présence d’hydrocarbures toxiques sur certaines plages. La population d’otaries n’est jamais revenu à la normale, et cela malgré le passage de plus de vingt années après la catastrophe ! Il faut habituellement de grandes opérations de nettoyage pour endiguer la détérioration des écosystèmes côtiers. Toutefois, malgré les efforts employés, le déversement de tonnes de fioul laissent une trace indélébile pendant plusieurs années.
En outre, la fécondité diminue et les cas d’anomalies génétiques chez les animaux impliqués se multiplient. Lorsqu’une marée noire atteint un écosystème fragile, comme celui d’un marécage ou d’un récif corallien, les dommages causés peuvent mettre jusqu’à dix ans à se dissoudre. Il s’agit d’un véritable désastre quand on sait que ces espaces servent de réserve de nourriture et de lieu de reproduction à plusieurs espèces
L’île aux Aigrettes et le parc marin de Blue-Bay menacés
Cette région de l’île Maurice abrite l’une des rares réserves naturelles de Maurice. Parmi les principaux sites, le parc marin de Blue-Bay, espace protégé contenant un riche patrimoine corallien, et l’île aux Aigrettes, un sanctuaire pour animaux endémiques et espèces menacées, sont particulièrement vulnérables. Proclamé “Parc National” en 1997, avant d’être déclaré site RAMSAR d’importance mondiale en 2008, le parc marin de Blue Bay abrite près de 38 espèces de coraux et plus de 72 espèces de poissons tropicaux. L’île aux Aigrettes est, quant à elle, un îlot corallien qui fait près de 26 hectares. Situé à seulement 1 km au large de Mahebourg, l’espace est également classé « Réserve naturelle » depuis 1965. Aujourd’hui, la petite île est sous la protection du Mauritian Wildlife Foundation (MWF). Il s’agit d’une entité se consacrant principalement à la préservation des espèces endémiques de l’île Maurice.
Plusieurs dispositifs ont été mis en place afin de conserver les deux sites. Avec l’apparition de nouvelles fissures dans la coque du navire échoué, les équipes d’intervention sont engagées dans une course contre-la-montre pour pomper les hydrocarbures. Pour l’heure, le gouvernement suit les conseils d’experts locaux et étrangers avant de procéder. Des chaînes de bouées ont été placées afin de stopper la progression des nappes de pétrole tandis que l’opération de nettoyage se poursuit. L’évacuation de l’île aux Aigrettes est déjà complète. 12 oiseaux à lunettes, une espèce considérée comme étant en danger critique d’extinction, ont ainsi été retirés de la petite île et placés dans la volière de Rivière Noire. Des plantes rares ont été aussi ramenées et ont été placées à la pépinière de Vallée de Ferney.
Une année noire pour l’économie mauricienne et l’industrie touristique ?
Dans un contexte de covid19 où plusieurs opérateurs touristiques ont déjà été durement touchés, le naufrage du MV Wakashio tombe au mauvais moment. Les frontières mauriciennes sont toujours fermées, officiellement jusqu’au 31 août. L’arrivée d’avions et donc de touristes, n’est pas pour tout de suite. Désormais, si les touristes ne visitent plus le parc marin qu’adviendra-t-il de l’avenir des opérateurs touristiques locaux ? Quel sera l’impact sur l’économie mauricienne ? Cette catastrophe aura démontré au moins une chose… celle du grand élan de solidarité de la nation mauricienne.
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