Journée Mondiale du Recyclage : Interview de Thierry Malabar
A l’occasion de la journée mondiale du recyclage, nous avons posé quelques questions à Thierry Malabar, Project Manager de BEM Recycling, entreprise mauricienne spécialisée dans le recyclage des déchets des équipements électriques et électroniques (DEEE). Il fait une mise au point sur la revalorisation des déchets à Maurice !
Quels sont les types de déchets qui existent à Maurice ?
On retrouve plusieurs types de déchets sur notre île et il faut savoir que les déchets sont classés sous plusieurs grandes catégories, notamment :
• les ordures ménagères (OM);
• les déchets de construction et de démolition;
• les déchets verts;
• les déchets industriels de type banal;
• les déchets industriels dangereux;
• les déchets pharmaceutiques;
• les déchets activités soins résidus infectieux;
• Ou encore les déchets des équipements électriques et électroniques (DEEE).
Tous les déchets sont-ils recyclables ?
Pour la plus part des déchets oui…mais pas forcement à Maurice ! Les structures manquent cruellement dans ce secteur et de nombreuses opportunités restent à exploiter ! Avis aux jeunes et futurs entrepreneurs.
Où en est Maurice concernant les déchets ?
Qui n’est jamais tombé sur la carcasse d’un réfrigérateur sur un terrain vague ou dans un champ durant une randonnée ou même posé sur le bord de la route? C’est dommage, mais c’est l’image récurrente que nous voyons, et qui devrait tous nous interpeler ! On constate, que malheureusement le nombre de dépôts sauvages ne cesse d’augmenter ce qui indique une hausse du nombre de déchets de toutes catégories…
Quelle est actuellement la portée de votre activité en termes de réduction des déchets ?
Avant d’être un recycleur, BEM est un manufacturier et apporte une alternative à l’enfouissement. Les DEEE sont des équipements/appareils électroménagers fonctionnant à l’électricité, avec des piles ou des batteries en fin de vie.
Notre objectif est de dépolluer et traiter le déchet pour le valoriser en créant de nouveaux matériaux. Ainsi chez BEM Recycling, on considère le déchet électronique avant tout comme une matière première.
En 15 ans, notre activité nous a permis de traiter plus de 2 000 tonnes de déchets. Pour vous donner une idée, cela équivaut à 300 éléphants !
Ce chiffre peut paraître conséquent mais il ne représente en réalité qu’un pourcentage minime de DEEE à travers Maurice et surtout partout dans le monde.
Existe-t-il d’autres filières de recyclage à Maurice ?
Oui il existe plusieurs professionnels au niveau local qui sont engagés dans la filière du recyclage. Ils se spécialisent dans la revalorisation des huiles usagées, du verre, du papier et du carton pour n’en citer que quelques-uns…
Quel est le niveau de conscientisation des Mauriciens face au recyclage ?
Avant tout il faut différencier les déchets en provenance des entreprises de ceux laissés par des particuliers.
Les entreprises sont de plus en plus conscientes des enjeux environnementaux, sociaux et économiques concernant la bonne gestion de leurs déchets : DEEE, papiers, plastiques, produits chimiques…. Par contre, on constate que les ménages sont moins perspicaces lorsqu’il s’agit de recyclage !
Quel est l’impact d’une telle mobilisation des entreprises sur cette filière ?
On est actuellement sur une économie circulaire. Le déchet d’une entreprise devient la matière première d’une autre : les manufacturiers mauriciens l’ont compris.
Nous travaillons actuellement avec plus d’une centaine d’entreprises locales. D’après les statistiques, depuis quelques années, le budget R&D des entreprises mauriciennes est en nette hausse pour intégrer des matériaux venant de la filière recyclable.
Nous ne pouvons que souhaiter une telle prise de conscience de la part de nos citoyens…
Ils ne sont pas véritablement à blâmer, car ils ne disposent que d’une seule poubelle pour y placer tous types de déchets. Il est donc difficile de pratiquer le tri chez soi, à défaut de collecte sélective. De plus, les centres de dépôts sont éloignés d’une région à une autre. Forcément, les gens préfèrent simplement tout mettre dans une même poubelle. Mais nous souhaitons évidemment une évolution des habitudes, et surtout, des structures dans le domaine.
Mettez-vous en place des mesures/actions pour aider au développement de cette filière ?
Oui, car au-delà d’être un acteur dans le domaine du recyclage, BEM Recycling s’est fixé pour mission de sensibiliser les particuliers et plus particulièrement les enfants. Le but : changer les mentalités et inciter à adopter les « bonnes pratiques ». D’où nos articles hebdomadaires sur notre blog, nos différents partenariats pour la collecte des piles usagées, les manifestations durant les journées de la Terre, de l’Environnement et du Développement Durable.
Quels sont vos challenges en tant qu’acteur dans ce secteur ?
Comme toute entreprise, BEM Recycling doit faire face à de nombreuses contraintes que ce soit au niveau de sa production et de la main d’œuvre locale, ou des marchés à l’internationale qui sont constamment en mutation.
On pourra rajouter l’émergence d’une concurrence déloyale avec un marché noir au niveau local qui ne cesse de croître (voler feray), et un manque de sensibilisation auprès du public. C’est pourquoi nous avons besoin de nous regrouper avec les différentes associations telles que l’AMM – Association of Mauritian Manufacturers et le Business Mauritius pour mieux avancer.
Quel est l’avenir de BEM Recycling ?
Il est impératif que notre entreprise soit viable économiquement – elle doit être approvisionnée régulièrement, avoir le support nécessaire des autorités publiques pour l’écoulement des nouvelles matières premières produites et aussi privilégier le recyclage local qui est une source de valorisation (value-added) pour le bien-être social et environnemental.